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i86 OEuvREs DE Descartes. 2^0-241.

ferois donné toutes les perfections dont i'ay en moy quelque idée, fi le m'eftois donné l'eftre, ie conçoy auffi que rien ne fe le peut donner en la manière qu'on a couftume de reftraindre la fignification de la caufe efficiente proprement dite, à Içauoir, en forte qu'vne mefme chofe, en tant qu'elle fe donne l'ellre, foit différente de foy-mefme en

319 tant qu'elle le reçoit; parce qu'il y a de la contradiction entre | ces deux chofes, eitre le mefme, & non le mefme, ou différent,

C'eft pourquoy, lorfque l'on demande fi quelque chofe fe peut donner î'eftre à foy-mefme, il ne faut pas entendre autre chofe que û on demandoit, fçauoir, iî la nature ou l'effence de quelque chofe peut eltre telle qu'elle n'ait pas befoin de caufe efficiente pour eltre ou exilter.

Et lorfqu'on ad'pute, Ji quelque chofe ejf telle, elle Je donnera toutes les perfe'âions dont elle a les idées, s'il eji vraj qu'elle 7ie les ait pas encore, cela veut dire qu'il elt impoffible | qu'elle n'ait pas actuelle- ment toutes les perfections dont elle a les idées; d'autant que la lumière naturelle nous fait connoiltre que la chofe dont l'effence elt û immenfe qu'elle n'a pas befoin de caufe efficiente pour eltre, n'en a pas auffi befoin pour auoir toutes les perfedions dont elle a les idées, & que fa propre effence luy donne éminemment tout ce que nous pouuons imaginer pouuoir eltre donné à d'autres chofes par la caufe efficiente.

Et ces mots, 7? elle ne les a pas encore, ellefe les donnera, feruent feulement d'explication; d'autant que par la mefme lumière natu- relle nous comprenons que cette chofe ne peut pas auoir, au moment que ie parle, la vertu & la volonté de le donner quelque chofe de nouueau, mais que fon effence eft telle, qu'elle a eu de toute éternité tout ce que nous pouuons maintenant penfer qu'elle fe donneroit, fi elle ne l'auoit pas encore.

320 |Et neantmoins toutes ces manières de parler, qui ont raport & analogie auec la caufe efficiente, font tres-neceflaires pour conduire tellement la lumière naturelle, que nous conceuions clairement ces chofes ; tout ainfi qu'il y a plufieurs choies qui ont elle démontrées par Archimede touchant la Sphère & les autres figures compofées de lignes courbes, par la comparaifon de ces mefmes figures auec celles compofées de lignes droites; ce qu'il auroit eu peine à faire comprendre, s'il en eull vfé autrement.

Et comme ces fortes de demonltrations ne font point defaprou- uées, bien que la Sphère y foit confiderée comme vne figure qui a plufieurs collez, de mefme ie ne penfe pas pouuoir eltre icy repris de ce que ie me fuis feruy de l'analogie de la caufe efficiente, pour

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