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��178 OEl'vres de Descartes. 229-230.

icy qu'il me iemble que c'elt vne choie fort remarquable, qu'aucun mouuement ne fe peut faire, foit dans les corps des beftes, foit mefme dans les noftres, fi ces corps n'ont en eux tous les organes & inftru- mens, par le moyen delquels ces mefmes mouuemens pourroyent auffi eftre accomplis dans vne machine; en forte que, mefme dans nous, ce n'eft pas l'efprit (ou l'ame) qui meut immédiatement les membres extérieurs, mais feulement il peut déterminer le cours de cette liqueur fort fubtile, qu'on nomme les efprits animaux, laquelle, coulant continuellement du cœur par le cerueau dans les mufcles, eft caufe de tous les mouuemens de nos membres, & fouuent en peut caufer plufieurs difFerens, aufli facilement les vns que les autres. Et mefme il ne le détermine pas toufiours ; car, entre les mouuemens qui fe font en nous, il y en a plufieurs qui ne dépendent point du tout de l'efprit, comme font le batement du cœur, la digeftion des viandes, la nutrition, la refpiration de ceux qui dorment, & mefme, en ceux qui font éueillez, le marcher, | chanter, & autres avions fem- blables, quand elles fe font fans que l'efprit y penfe. Et lorfque ceux qui tombent de haut, prefentent leurs mains les premières pour fauuer leur | telle, ce n'eft point par le confeil de leur raifon qu'ils font cette adion ; & elle ne de'pend point de leur efprit, mais feule- ment de ce que leurs fens, eftans touchez par le danger prefent, caufent quelque changement en leur cerueau qui détermine les ef- pris animaux à paiîer de là dans les nerfs, en la façon qui eft requife pour produire ce mouuement tout de mefme que dans vne machine, & fans que l'efprit le puiffe empêcher.

Or, puifque nous expérimentons cela en nous-mefmes, pourquoy nous étonnerons-nous tant, fi la lumière refléchie du corps du loup dans les yeux de la brebis a la mefme force pour exciter en elle le mouuement de la fuite ?

Après auoir remarqué cela, fi nous voulons vn peu raifonner peur connoiftre fi quelques mouuemens des beftes font femblables à ceux qui fe font en nous par le ministère de l'efprit, ou bien à ceux qui dépendent feulement des efpris animaux & de la difpofition des or- ganes, il faut confiderei les différences qui font entre les vns & les autres, lefquelles i'ay expliquées dans la cinquième partie du dif- cours de la Méthode, car le ne penfe pas qu'on en puiffe trouuer d'autres; & alors on verra facilement que toutes les adions des beftes font feulement femblables à celles que nous faifons fans que noftre efprit y contribue. 806 -^ raifon de quoy nous ferons obligez de conclure, que nous ne connoilfons en effecl en elles au|cun autre principe de mouuement

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