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��OEuvRES DE Descartes.

��perfonne ne peut donner ce qu'il n\i pas. Doncqiies nous conceurions premièrement qu'inie chofe a l'ejlre, que nous ne conceurions qu'elle l'a receu; & neanlmoins, en celuj qui reçoit, receuoir précède l'auoir.

Cette rai/on peut ejlre encore ainjt expliquée : perfonne ne donne ce qu'il n'a pas ; doncques perfonne ne fe peut donner l'ejlre, que celuy qui l'a défia; or, s'il l'a defia, pourquoj- fe le donneroit-il?

Enfin, il dit qu'W eft manifeile, par la lumière naturelle, que la création n'eft dillinguée de la conferuation que par la raifon. Mais il ejl aufji manifefle, par la mefne lumière naturelle, que rien ne fe peut créer foy-mefme, nj- par confequent aufji fe conferuer.

Que fi de la tliefe générale nous defcendons à Hij-pothefe fpeciale de Dieu, la chofe fera encore, à mon aduis, plus manifejle, àfçauoir que Dieu ne peut eflre par foy pofitiuement, mais feulement negati- uement, c'ejî à dire non par autruy.

278 \Et premièrement cela efl euident par la raifon \ que Monfteur Des- Cartes aporte pour prouuer que, fi le corps eit par foy, /'/ doit éJlre

par foy pofitiuement. Car, dit-il, les parties du temps ne dépendent point les vnes des autres; & partant, de ce que l'on fupofe que ce corps iufqu'à cette heure a efté par foy, c'eil: à dire fans caufe, il ne s'enfuit pas pour cela qu'il doiue élire encore à l'auenir, fi ce n'elt qu'il y ait en luy quelque puilfance réelle & pofitiue,qui, pour ainfi dire, le reproduife continuellement.

Mais tant s'en faut que cette raifon puiffe auoir lieu, lorfqu'il eft quejlion d'vn eftre fouuerainement parfait & infini, qu'au contraire, pour des raisons tout ajfail oppofées, il faut conclure tout autrement . Car, dans l'idée d'rn eftre infini, l'infinité de fa durée j- eft aufii con- tenue, c'eft à dire qu'elle n'eft point renfermée dans aucunes limites, & partant, qu'elle eft indiuifible, permanente & Jubfiftante toute à la fois, & dans laquelle on ne peut fans erreur & qu'improprement, à caufe de l'imperfeâion de noftre ejprit, conceuoir de pajfé ny d'auenir.

D'oii il eft manifefte qu'on ne peut conceuoir qu'rn eftre infini exifte, quand ce ne feroil qu'vn moment, qu'on ne conçoiue en mefne temps qu'il a toufiours efté & qu'il fera éternellement [ce que noftre auteur mefne dit en quelque endroit), & partant, que c'eft me chofe fiperfiuë de demander pourquoy il perfeuere dans l' eftre.

279 Voire mefne, comme l'en feigne Saint Auguftin \ [lequel, après les auteurs facre\, a parlé de Dieu plus hautement & plus dignement qu'aucun autre], en Dieu il >i'y a point de paffé nv de futur, mais m continuel prefent; ce qui fait ruir clairement qu'on ne peut fans abfurdité demander pourquoy Dieu perfeuere dans l'eftre, rcu que

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