Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IX.djvu/184

Cette page n’a pas encore été corrigée

1^8 OEuvRES DE Descartes. 202-20?.

m triangle reâangle dont le quarc de la ba\e ne fera pas égal aux quare\ des coJîe\.

le ne l'oy pas ce que l'on peut icv répondre, fi ce n'eft que cet homme ne connoijl pas clairement & dijlindement la nature du triangle reâangle. Mais d'oii puis-ie fçauoir que ie cannois mieux la nature de mon efprit, qu'il ne connoijl celle de ce triangle ? Car il eft aujji ajfure que le triangle au demy-cercle a m angle droit, ce qui ejl la notion du triangle reâangle, que ie fuis ajj'uré que i'exijte, de ce que ie penje.

Tout ainfi donc que celuy-là fe trompe, de ce qu'il penfe qu'il n'eft pas de l'ejfence de-ce triangle [qu'il connoift clairement & diftinclement e/tre reâangle), que le quaré de fa baie \foit égal aux quare^ des cofle\, pourquoy peut-ejlre ne me trompay-ie pas aufft, en ce que ie penfe que rien autre chofe n'appartient à ma nature [que ie fcay certainement (S- diftinâement eftre nie chofe qui penfe), finon que ie fuis vne chofe qui penfe? veu que peul-ejlrc il efi aufji de mon effence, que ie fois vne chofe étendue. 2C7 \Et certainement, dira quelqu'rn, ce n'eft pas merueille fi, lorfque,

de ce que ie penfe, ie viens à conclure que ie fuis, l'idée que de là ie forme de mof-mefme, ne me reprefente point autrement à mon efprit que comme vne chofe qui penfe, puifqu'elle a efté tirée de ma feule penfée. Et ainfi il nefemblc pas que cette idée nous pu iffe fournir aucun argument, pour prouver que rien autre chofe n'apartieni à 7non effence, que ce qui eft contenu en elle.

On peut adiouter à cela que l'argument propofé femble prouuer trop, €• nous porter dans cette opinion de quelques Platoniciens {laquelle neantmoins noftre auteur réfute), que rien de corporel n'apartient à noftre ejj'ence, en forte que l'homme foi t feulement vn efprit, & que le corps n'en foi t que le véhicule, d'oii vient qu'ils definiffent l'homme vn efprit vfant ou fe feruant du corps.

Que fi vous réponde\ que le cotps n'eft pas abfolument exclus de mon effence, mais feulement en tant que precifement ie fuis ime chofe qui penfe, on pouroit craindre que quelqu'vn ne vinft à foupçonner que peut-eftre la notion ou l'idée que i'ay de moy-mefme, en tant que ie fuis vne chofe qui penfe, ne fait pas l'idée ou la notion de quelque eftre complet, lequel foit pleinement â parfaitement conceu, mais feu- lement imparfaitement & auec quelque forte d'abftraâion d'efprit & reflriâion de la penfée. 268 I C'eft pourquoy, tout ainfi que les Géomètres conçoiuent la ligne

comme vne longueur fans largeur, & la fuperficie comme vne longueur & largeur fans profondeur, quoy qu'il n'y ait point de longueur fans

�� �