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128 Œuvres de Descartes. iôs-iôg.

212 |IV. Toute la realité ou perfection qui eft dans vne chofe fe ren- contre formellement, ou éminemment, dans fa caufe première & totale.

V. D'où il fuit aufli que la realité objediue de nos idées re- quiert vne caufe, dans laquelle cette mefme realité foit contenue, non feulement objediuement, mais mefme formellement, ou émi- nemment. Et il faut remarquer que cet Axiome doit fi neceffaire- ment eftre admis, que de luy feul dépend la connoiffance de toutes les chofes, tant fenfibles qu'infenfibles. Car d'où fçauons-nous, par exemple, que le Ciel exifte ? Eit-ce parce que nous le voyons ? Mais cette vifion ne touche point l'efprit, finon en tant qu'elle eft vne idée : vne idée, dis-je, inhérente en l'el'prit mefme, & non pas vne image dépeinte en la fantaifie ; &, à l'occafion de cette idée, nous ne pouuons pas iuger que le ciel exifte, fi ce n'eft que nous fupofions que toute idée doit auoir vne caufe de fa realité objediue, qui foit réellement exiftenie; laquelle caufe nous iugeons que c'eft le ciel mefme, & ainfi des autres.

VI. Il y a diuers degrez de realité ou d'entité : car la fubftance a plus de realité que l'accident ou le mode, & la fubftance infinie que la finie. C'eft pourquoy auffi il y a plus de realité objediue dans l'idée de la fubftance | que dans celle de l'accident, & dans l'idée de la fubftance infinie que dans l'idée de la fubftance finie.

213 VII. La volonté fe porte volontairement, & libre|ment (car cela eft de fon effence), mais neantmoins infailliblement, au bien qui luy eft clairement connu. C'eft pourquoy, fi elle vient à connoiftre quelques perfections qu'elle n'ait pas, elle fe les donnera auflltoft, fi elles font en fa puifl'ance ; car elle connoiftra que ce luy eft vn plus grand bien de les auoir, que de ne les auoir pas.

VIII. Ce qui peut faire le plus, ou le plus difficile, peut auffi faire le moins, ou le plus aifé.

IX. C'eft vne chofe plus grande & plus difficile de créer ou conferuer vne fubftance, que de créer ou conferuer fes attributs ou proprietez ; mais ce n'eft pas vne chofe plus grande, ou plus difficile, de créer vne chofe que de la conferuer, ainfi qu'il a des-ja efté dit.

X. Dans l'idée ou le concept de chaque chofe, l'exiftence y eft contenue, parce que nous ne pouuons rien conceuoir que fous la forme d'vne chofe qui exifte ; mais auec cette différence que, dans le concept d'vne chofe limitée, l'exiftence poffible ou contingente eft feulement contenue, & dans le concept d'vn eftre fouueraine- ment parfait, la parfaite & neccliaire y eft comprife.

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