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io6 OEuvRES DE Descartes. 134-135.

Et ce feroit vne choie fort efloignée de la raifon, û quelqu'vn, de cela feul qu'il ne connoilt point de caufe qui concoure à la généra- tion d'vne mouche & qui ait autant de degrez de perfeftion qu'en a vne mouche, n'eftant pas cependant afTuré qu'il n'y en ait point d'autres que celles qu'il connoift, prenoit de là occafion de douter d'vne chofe, laquelle, comme ie diray tantoft plus au long, eft mani- fefte par la lumière naturelle.

A quoy i'adjoufte que ce que vous objectez icy des mouches, eftant tiré de la confideration des chofes matérielles, ne peut venir en l'ef- prit de ceux qui, fuiuans l'ordre de mes Méditations, détourneront leurs penfées des chofes fenfibles, pour commencer à phLlofopher.

Il ne me femble pas auffi que vous prouuiez rien contre moy, en difant, Que l'idée de Dieu qui ejl en nous n'ejl qu'vn ejîre de raifon. i^ Car cela n'eft pas | vray, fi par vu eJlre de raifon l'on entend vne chofe qui n'ert point, mais feulement fi toutes les opérations de l'en- tendement font prifes pour des eflres de raifon, c'ell à dire pour des eftres qui partent de la raifon ; auquel fens tout ce monde peut auffi eltre apelé vn élire de raifon diuine, c'eft à dire vn eflre créé par vn fimple afte de l'entendement diuin. Et i'ay défia fulfifamment auerty en plufieurs lieux, que ie parlois feulement de la perfedion ou rea- lité objectiue de cette idée de Dieu, laquelle ne requiert pas moins vne caufe, |en qui foit contenu en effed tout ce qui n'eft contenu en elle qu'objediuement ou par reprefentation, que fait l'artifice objectif ou reprefenté, qui eft en l'idée que quelque artifan a d'vne machine fort artificielle.

Et certes ie ne voy pas que l'on puiife rien adjouter pour faire connoiftre plus clairement que cette idée ne peut eftre en nous, fi vn fouuerain eftre n'exifte, fi ce n'eft que le Leéleur, prenant garde de plus prés aux chofes que i'ay défia efcrites, le deliure luy-mefme des preiugez qui offufquent peut-eftre fa lumière naturelle, & qu'il s'a- coullume à donner créance aux premières notions, dont les connoif- fances font fi vrayes & fi éuidentes, que rien ne le peut eftre dauan- tage, pluftoft qu'à des opinions obfcures & faulîes, mais qu'vn long vfage a profondement grauées en nos efprits.

Car, qu'il n'y ait rien dans vn effefl;, qui n'ait elle d'vne femblable 175 ou plus excellente façon dans fa caujfe, c'eft vne première notion, & fi euidente quil n'y en a point de plus claire; & cette autre com- mune notion, que de rien rien ne fe fait, la comprend en Iby, parce que, fi on accorde qu'il y ait quelque choie dans l'effect, qui n'ait point efté dans fa caufe, il faut aufli demeurer d'accord que cela pro- cède du néant ; & s'il elt éuident que le rien ne peut eftre la caufe

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