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98-99- Premières Objections. 70

ie vous prie, n'e/l-cc pas là le me/me argument de Monfieur Des- Carles? Saint Thomas dejînit Dieu ainfi : ce qui eil tel que rien de plus grand ne peut elhe conceu. Monfieur Des-Carles l'apelk vn eftre fouuerainement parfait; certes rien de plus grand que luy ne peut ejîre conceu. Saint Thomis pourfuit : ce qui eft tel que rien de plus grand ne peut ertre conceu, enferme l'exiitence ; autrement quelque chofe de plus grand que luy pouroit eltre conceu, à fcauoir ce qui eil conceu enfermer aufii l'exiftence. Mais Monfieur Des- Cartes ne femble-t-il pas fe feruir de la mefme mineure dans \ fon 126 argument? Dieu ef vn e/lre fouuerainement parfait; or cf-il 'que l'e/lre fouuerainement parfait enferme l'exifence, autrement il ne feroit pas fouuerainement parfait. Saint Thomas infère : doncques, puilque, ce nom Dieu ellant compris & entendu, ifelt dans l'enten- dement, il s'enfuit auffi qu'il eit en effet; c'elt à dire, de ce que, dans le concept ou la notion eUentieile d'vn eilre tel que rien de plus grand ne peut eftre conceu, l'exiftence eft comprife & en- fermée, il s'enfuit que cet eftre exifte. Monfeur Des-Cartes infère la mefme chofe. Mais, dit-il, de cela feul | que ie ne puis conceuoir Dieu fans exiftence, il s'enfuit que l'exiftence eft infeparable de luj', & partant qu'il exifte véritablement. Que maintenant Saint Thomas réponde à foy-mefme & à Monfeur Des-Cartes. Pofé, dit-il, que chacun entende que par ce nom Dieu il eft fignifié ce qui a efté dit, à fcauoir ce qui eft tel que rien de plus grand ne peut eftre conceu', il ne s'enfuit pas pour cela qu'on entende que la choie qui eft fignifiée par ce nom foit dans la nature, mais leulement dans l'ap- prehenfion de l'entendement. Et on ne peut pas dire qu'elle foit en effet, fi on ne demeure d'accord qu'il y a en effet quelque chofe telle que rien de plus grand ne peut eftre conceu ; ce que ceux-là nient ouuertement, qui difent qu'il n'y a point de Dieu. D'oi' ie répons auffi en peu de paroles : encore que l'on demeure d'accord que Vejlre fouuerainement parfait par fon propre nom emporte l'exifence, neantmoins il ne s'enfuit pas que cette mefme exiflence foit dans la nature aéluellement quelque chofe, mais feulement | qu'auec 127 le concept, ou la notion de Vejlre fouuerainement parfait, celuj de l'exiftence efl infeparablement conioint. D'oit vous ne pouue-^ pas inférer que l'exiftence de Dieu foit aâiiellement quelque chofe, ft vous ne fupofe\ que cet eftre fouuerainement parfait exifte aauellement; car pour lors il contiendra aauellement toutes les perfedions, <L' celle auffi d'vne exiftence réelle.

Trouue- bon maintenant, Meffiieurs, qu'après tant de fatigues ie delaffie vn peu mon efprit. Ce compofé, lion exiftant, enferme efen-

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