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612 Correspondance. i, n5.

qu'on croit eftre vne grande ou petite partie du tout auquel on a donné fon affection : en forte que, fi on s'eft ioint de volonté auec vn obiet qu'on eflime moindre que foy, par exemple, fi nous aimons vne fleur, vn oyfeau, vn baftiment, ou chofe femblable, la 5 plus haute perfection où cette amour puiffe atteindre, félon fon vray vfage, ne peut faire que nous mettions noftre vie en aucun hazard pour la conferuation de ces chofes, pource qu'elles ne font pas des parties plus nobles du tout qu'elles compofent auec nous, que 10 nos ongles & nos cheueux font de noftre corps ; & ce feroit vne extrauagance de mettre tout le corps au ha- zard pour la conferuation des cheueux. Mais quand deux hommes s'entr'aiment, la charité veut que cha- cun d'eux eftime fon amy plus que foy-mefme; c'eft i5 pourquoy leur amitié n'eft point parfaite, s'ils ne font prefts de dire, en faueur l'vn de l'autre : Même adfum quifeci, in me conuertite ferrum, &C.". Tout de mefme, quand vn particulier fe ioint de volonté à fon prince, ou à fon pais, fi fon amour eft parfaite, il ne fe doit 20 eftimer que comme vne fort petite partie du tout qu il compofe auec eux, & ainfi ne craindre pas plus d'aller à vne mort afîurée pour leur feruice. qu'on craint de tirer vn peu de fang de fon bras, pour faire que le refte du corps fe porte mieux. Et on voit tous les iours 25 des exemples de cette amour, mefme en des perfonnes de baffe condition, qui donnent leur vie de bon cœur pour le bien de leur pais, ou pour la deffenfe d'vn grand qu ils affe&ionnent. En fuite de quoy il eft éui- dent que noftre amour entiers Dieu doit eftre fans 3o a. Virgii.i-, Enéide, IX, 427.

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