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6io Correspondance. 1,113-114.

commerce des fens, pour fc reprefenterles veritez qui excitent en elle cette amour; d'où vient qu'il ne femble pas qu'elle puiiïe la communiquera la faculté imagi- natiue pour en faire vne paflion. Mais neantmoins ie ne doute point qu'elle ne luv communique'. Car, en- 5 core que nous ne puilïîons rien imaginer de ce qui eft en Dieu, lequel eft l'obiet de noftre amour, nous pou- uons imaginer noftre amour mefme, qui confifte en ce que nous voulons nous vnir a quelque obiet, c eft à dire, au regard de Dieu, nous conliderer comme vne 10 très-petite partie de toute l'immenfité des chofes qu'il a créées; pource que, félon que les ohiets font diuers, on fc peut vnir auec eux, ou les joindre à fov en di- uerfes façons ; & la feule idée de cette vnion fultit pour exciter de la chaleur autour du cœur, & caufer vne i5 tres-violente paillon.

Il eft vrav auffi que l'vfage de noftre langue & la ciuilité des complimens ne permet pas que nous di- fions à ceux qui font d'vne condition fort releuée au deftus de la noftre, que nous les aimons, mais feule- 20 ment que nous les refpcctons, honorons, | eftimons, & que nous auons du zelc & de la deuotion pour leur feruicc; dont il me femble que la raifon eft que l'a- mitié d'homme à homme rend égaux en quelque façon ceux en qui elle eft réciproque; & ainfi que, pendant î5 que l'on tafche à fe faire aimer de quelque grand, fi on luy difoit qu'on l'aime, il pourroit pcnler qu'on le traitte d'égal, & qu'on luy fait tort. Mais, pource que les Philofophcs n'ont pas coutume de donner diuers noms aux choies qui conuiennent en vne mefme de(i- <o

a. « qu'elle ne la luy communique en quelque manière ». {Inst.

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