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r, tes. CDLXVIII. — I e ' Février 1647. 60}

mouuement des nerfs, laquelle la difpofe à cette autre penfée plus claire en qui confifte l'amour rai- fonnable. Car, comme en la foif le fentiment qu'on a de la fecherefTe du gofier, eft vne penfée confufe qui 5 difpofe au defir de boire, mais qui n'eft pas ce defir mefme ; ainfi en l'amour on fent ie ne fçay quelle cha- leur autour du cœur, & vne grande abondance de fang dans le poumon, qui fait qu'on ouure mefme les bras comme pour embraffer quelque chofe, & cela rend

10 l'ame encline à ioindre à foy de volonté l'obiet qui fe prefente. Mais la penfée par laquelle lame fent cette chaleur, eft différente de celle qui la ioint à cet obiet ; & mefme il arriue quelquefois' que ce fentiment d'a- mour fe trouue en nous, fans que noftre volonté fe

i5 porte à rien aimer, à caufe que nous. ne rencontrons point d'obiet que nous penfions en eftre digne. Il peut arriuer auifi, au contraire, que nous connoiflîons vn bien qui mérite beaucoup, &. que nous nous ioignions à luy de volonté, fans auoir, pour cela, aucune paf-

20 fion, à caufe que le corps n'y eft pas difpofé.

Mais, pour l'ordinaire, ces deux amours fe trou- uent enfemble : car il y a vne telle liaifon entre l'vne & l'autre que, lors que famé iuge qu'vn obiet eft digne d'elle, cela difpofe incontinent le cœur aux

î5 mouuemens qui excitent la paffion d'amour, & lors que le cœur fe trouue ainli difpofé par d'autres caufes, cela fait que l'ame imagine des qualitez aimables en des obiets, où elle ne verroit que des défauts en vn autre temps. Et ce n'eft pas merueille que certains mou-

3o uemens de cœur foient ainfi naturellement ioints à certaines penfées, auec lefquelles ils n'ont aucune

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