Page:Descartes - Œuvres, éd. Adam et Tannery, IV.djvu/587

Cette page n’a pas encore été corrigée

i, 160-161. CDLX. — 2) Novembre 1646. 57}

opinions s'acorderoient aifément auec les tiennes. Pour ce qui efl de l'entendement ou de la penfée que Montagne & quelques autres attribuent aux beftes, ie ne puis eftre de leur aduis a . Ce n'eft pas 5 que ie m'arrefte à ce qu'on dit, que les hommes ont vn empire abfolu fur tous les autres animaux; car i'auoùe qu'il y en a de plus forts que nous, & croy qu'il y en peut aufli auoir qui ayent des rufes natu- relles, capables de tromper les hommes les plus fins.

10 Mais ie confidere qu'il ne nous imitent ou furpaffent, qu'en celles de nos adions qui ne font point conduites par noftre penfée ; car il arriue fouuent que nous mar- chons & que nous mangeons, fans penfer en aucune façon à ce que nous faifons ; & c'est tellement fans

«5 vfer de noftre raifon que nous repouflbns les chofes qui nous nuifent, & parons les coups que l'on nous porte, qu'encore que nous vouluffions expreffement ne point mettre nos mains deuant noftre tefte, lors qu'il arriue que nous tombons, nous ne pourrions

20 nous en empefcher. le croy auffi que nous mange- rions 1 ', comme les beftes, fans l'auoir appris, fi nous n'auions aucune penfée ; & l'on dit que ceux qui mar- chent en dormant, paflent quelquefois des riuieres à nage, où ils|fe noyeroient eftant éueillez. Pour les

2 5 mouuemens de nos paffions, bien qu'ilsïfoient accom- pagnez en nous de penfée, à caufe que nous auons la faculté de penfer, il eft neantmoins tres-éuident qu'ils ne dépendent pas d'elle, pource qu'ils fe font fouuent.

a. Voir, pour toute cette fin de lettre, Discours de la Méthode, p. 56, 1. 10, à p. 59, 1. 7, de cette édition.

b. Lire : marcherions?

�� �