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486 Correspondance. 1,50-51.

Madame,

I'ay lu le liure dont voftre AltefTe m'a commandé de luy écrire mon opinion*, & i'y trouue plufieurs préceptes qui me femblent fort bons; comme en- trautres au 19 & 20 chapitres : Qu'vn Prince doit 5 toujîours éuiter la haine & le mépris de fes fuieis, & que l'amour du peuple vaut mieux que les forterejfes*. Mais il y en a auffi plufieurs autres que ie ne fçaurois aprou- uer. Et ie croy que ce en quoy l'Auteur a le plus manqué, efl qu'il n'a pas mis afTez de diftin&ion entre 10 les Princes qui ont acquis vnEftat par des voyes iuftes, & ceux qui l'ont vfurpé par des moyens illégitimes; & qu'il a donné à tous, généralement, les préceptes qui ne font propres qu'à ces derniers *. Car comme, | en baftiflant vne maifon dont les fondemens font û i5 mauuais qu'ils ne fçauroient foutenir des murailles hautes & épaifTes, on efl obligé de les faire foibles & baffes, ainfi ceux qui ont commencé à s'établir par des crimes font ordinairement contrains de continuer à commettre des crimes, & ne fe pourroient maintenir 20 s'ils vouioient eftre vertueux.

C'eft au regard de tels Princes qu'il a pu dire, au chapitre % : Qu'ils ne fçauroient manquer d'ejlre liais de plufieurs; & qu'ils ont fouuent plus d'auanlagc à faire beaucoup de mal qu'à en faire moins, pource que les le- 25 gères ojfenfes fufifent pour donner la volonté defe vanger, & que les grandes en ojlent le pouuoir*. Puis, au cha- pitre 1 $ : Que, s'ils vouioient cjlre gens de bien, il fer oit impojjible qu'ils ne fe ruina ffent parmy le grand nombre de médians qu'on trouue par tout* . Et au chapitre 19 : 3o

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