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CDVIII. — 15 Octobre 164$. 319

» athéisme et de cette irreligion prétendue, dont Voetius avoit répandu la >> calomnie jusqu'en France. Enfin, pour ne s'en rapporter ny à ses livres n ny à ses conversations, il en voulut chercher de nouveaux éclaircisse- » mens, par le moyen de quelques personnes à qui M. Descartes fût en- » tiérement indifférent, et qui eussent néanmoins d'assez grandes habi- » tudes avec luy pour le connoître au naturel. Il trouva un Maître « d'armes*, qui s'étant venu rendre sur le bord de M. le Résident pour » passer en Suéde, parut surpris de rencontrer dans le port M. Descartes, » qu'il se vantoit de connoître mieux que personne, pour l'avoir hanté » souvent en différens endroits de la Hollande. M. Porlier se joignit au » Maître d'armes, dans le dessein de le faire parler sur tout ce qu'il sçavoit » de nôtre Philosophe, sans précaution, et avec toute l'ouverture d'un » homme qui ne se méfie de rien. Le Maître d'armes débuta par dire que » M. Descartes étoit un homme de beaucoup de Religion, d'une grande » droiture de cœur, généreux et sincère dans ses amitiez, libéral et chari- » table dans ses aumônes, exemplaire et exact dans les exercices de sa » Religion, passant par toute la Hollande pour un homme qui faisoit » beaucoup d'honneur à l'Eglise Romaine, et qui édifioit les Protestans » du pais. M. Porlier fut ravi intérieurement d'apprendre que la calomnie » de l'irréligion parût si mal fondée et si peu reçue dans les lieux mêmes » où on l'avoit fait naître; et voulant profiter de la belle humeur où il » voyoit le Maître d'armes pour raconter, il l'engagea insensiblement à » continuer le récit qu'il luy fit de plusieurs particularitez de la vie que » M. Descartes menoit en Hollande, et qui étoient toutes preuves diffé- » rentes de la bonne conscience et de la probité de ce Philosophe chré- » tien. Il luy dit, entre autres choses, que M. Descartes étoit un homme » 'de bon conseil, touchant la diversité des Religions, pour quantité de » personnes qui chancelloient depuis les révolutions du pais, et qui » étoient en peine de résoudre le party qu'ils dévoient prendre. Il luy fit n l'histoire d'un honnête homme, lequel, quoique élevé dans la Religion » catholique, s'étoit trouvé fort ébranlé par le changement général de son » pais, et par le fâcheux exemple de diverses personnes de sa connois- » sance. Cet homme desiroit, sur toutes choses, de ne point perdre son » ame; mais il étoit fort embarrassé sur les moyens de la conserver. Les n doutes, dont il se vid accablé, le firent addresser à M. Descartes, qu'il « ne connoissoit que comme une personne que l'on consultoit volontiers » sur ces matières. M. Descartes, sans le faire entrer dans la discussion » des dogmes, se contenta de luy demander s'il croyoit l'Eglise Protes- » tante fort ancienne, et s'il en connoissoit les commencemens; s'il avoit » oùy parler de la conduite et des motifs des nouveaux Réformateurs, de >i leur mission, de leur autorité et des moyens qu'ils avoient employez » pour établir la réformation; s'il avoit remarqué dans les nouveaux Ré- » formez plus de charité et plus de condescendance chrétienne, plus de

a. Voir, à ce propos, t. I, p. 196, éclaircissement.

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