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ignorance, auant que ie vous ſeuſſe dechargé de ceux de leur opiniaſtreté, ſi le ſieur Van Bergen ne m’y euſt obligé plus toſt, par ſa ciuilité de vouloir demeurer en cette ville, iuſqu’a ce que ie luy donnerais vne reſponſe a voſtre lettre du 28e de iuin[1], qui me fait voir clairement les 5 trois ſortes de notions que nous auons, leurs obiets, & comment on s’en doit ſeruir.

Ie trouue auſſi que les ſens me montrent que l’ame meut le corps, mais ne m’enſeignent point (non plus que l’Entendement & l’Imagination) la faſſon dont elle le fait. 10 Et, pour cela, ie penſe qu’il y a des proprietés de l’ame, qui nous ſont inconnues, qui pourront peut eſtre renuerſer ce que vos Meditations Metaphyſiques m’ont perſuadée, par de ſi bonnes raiſons, de l’inextention de l’ame. Et ce doute ſemble eſtre fondé ſur la regle que vous y donnez 15 en parlant du vray & du faux, & que toute l’erreur nous vient de former des iugements de ce que nous ne perceuons aſſez. Quoy que l’extenſion n’eſt neceſſaire a la penſée, n’y repugnant point, elle pourra duire a quelque autre fonction de l’ame, qui ne luy eſt moins eſſentielle. 20 Du moins elle fait choir la contradiction de Scholaſtiques, qu’elle eſt toute en tout le corps, & toute en chacune de ſes parties. Ie ne m’excuſe point de confondre la notion de l’ame auec celle du corps par la meſme raiſon que le vulgaire ; mais cela ne m’oſte point le premier doute, & ie 25 deſeſpereray de trouuer de la certitude en choſe du monde, ſi vous ne m’en donnez, qui m’auez ſeul empeſchée d’eſtre

1. feuſſe] euſſe. — 6. leur objet. 9-10 l’entendement. — 10. l’imagination. — 17. des] les. — 17-18 ne perceuons pas. — 19. duire] nuire. — 21. de] des.

  1. Lettre CCCX. t. III, p. 690.