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Pleurs et pauvres fleurs.

Albertine ! et là-bas flottait ta jeune tête,
Sous le calvaire en fleurs ; et c’était loin du soir !
Et ma voix bondissante avait dit : Est-ce fête ?
Ô joie ! est-ce demain que Dieu passe et s’arrête ?
Et tu m’avais crié : « Tu vas voir ! tu vas voir ! »

Oui, c’était une fête, une heure parfumée ;
On moissonnait nos fleurs, on les jetait dans l’air :
Albertine riait sous la pluie embaumée ;
Elle vivait encor ; j’étais encore aimée !
C’est un parfum de rose… il n’atteint pas l’hiver !

Du moins, n’irai-je plus dans l’enclos de ma mère ?
N’irai-je plus m’asseoir sur les tombes en fleurs ?
D’où vient que des beaux ans la mémoire est amère ?
D’où vient qu’on aime tant une joie éphémère ?
D’où vient que d’en parler ma voix se fond en pleurs ?


Abnégation


Qui sait si vivre n’est pas mourir, et si là-bas on ne croit pas que mourir c’est vivre ?
Euripide.


Si solitaire, hélas ! et puis si peu bruyante,
Tenant si peu d’espace, on me l’envie encor :
Cette pensée est triste, elle entraîne à la mort ;
Et, pour s’en reposer, la tombe est attrayante !