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MARIE.

répondit hardiment : « Une bonne bergère doit-elle craindre les méchans ? Tout son hameau la chérit, la respecte. Ceux qui l’ont vue petite, qui l’ont servie dans son enfance, la défendraient contre les étrangers qui voudraient lui nuire. Ceux-là, j’entends, qui s’arrêtent par hazard, par ennui, par curiosité, qui se disent malheureux pour éprouver les bons cœurs, qui prennent un air triste pour intéresser les jeunes bergères. »

— Que veux-tu dire, Lucas ; interrompit Marie avec émotion ? — On a vu de pareilles choses, poursuivit-il, en cherchant à lier dans sa tête ce qu’il disait au hasard. Mais on reconnaît bien les bergers des habitans des villes. Il en est qui cherchent les aventures de village ; le village les fatigue bientôt, et ils s’en vont. —

Marie ne l’entendait plus. Plongée dans une rêverie qui absorbait jusqu’à sa raison, elle semblait attentive à la voix qui venait de