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PRIÈRES.

Puis, les portant au juge à qui tu peux parler,
Dis-tu qui les répand et qui les fait couler ?


Es-tu femme ? et là haut du passé poursuivie,
Oses-tu, sans soleil, redescendre la vie,
Pour effacer ton nom par quelque honte écrit
Au livre d’un méchant qui le relit, et rit !
Mais le mal accompli, dis-moi si rien l’efface,
Ou si l’éternité l’emporte à sa surface ?
Le sais-tu, toi si triste et si grave souvent,
Quand tu cours à travers le nuage et le vent ?
Quand tu baignes, la nuit, ton disque solitaire,
Dans un lac, présageant tant de pluie à la terre ?
Quant aux vitraux d’église, où l’on entend des voix,
Tu passes tes longs fils pour étreindre la croix ?
Quand tu trembles dans l’eau, miroir de la vallée,
Quand tu blanchis des bois la tête échevelée :
Si tu le sais, alors sois douce aux yeux craintifs
Et prolonges sur eux tes rayons attentifs.
Dans nos chambres, vois-tu ; la fiévreuse insomnie,
Sur beaucoup d’oreillers se penche en ennemie,