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dressas persécuteur. Tu n’eus pas plus de pitié que je n’avais eu de crainte. Mon crime fut celui d’un dieu : ta vengeance celle d’un homme.

LE CHŒUR.

Qui parle ainsi ? qui pleure à sanglots ? est-ce toi, Prométhée, toi qui as ouvert à tant de créatures avides, de voir un monde où elles pourront à peine découvrir sans jamais toucher ce qu’elles auront découvert ? Dans nos nuées, dans nos plaines, dans nos fleuves, sous la masse mouvante des océans, ta plainte est parvenue à nos oreilles. Non, tu n’es pas seul ; tu es entendu et maudit. Désespère ! frémis sous les regards curieux des esprits que tu as attirés ; ils ne te donneront pas longtemps la consolation de te parler, de t’accuser. Ta plaie s’est ouverte ; elle vomit un sang noir, qui découle de ton sein comme un ruisseau impur. Compte, avec la mémoire du passé, l’éternelle vengeance ; compte toutes tes angoisses, toutes les imprécations qui ont brûlé à la fois et rafraîchi tes lèvres, toutes les larmes que tu as invoquées et cherché à tirer du fond de tes yeux desséchés. Ton poëme embrassera un même cercle de douleurs, et là encore gît ton désespoir à toi, ambitieux, cœur ardent, qui repousses surtout l’uniformité de ton supplice. L’éternité durant, tu peux fixer le soleil et voir où lui manque ce rayon que lui déroba ta main insensée.

PROMÉTHÉE.

J’ai cru entendre un orage de voix irritées ; mais ni menaces, ni reproches n’effraient, quand ils suivent l’effet le plus terrible de la colère ! Je me sens presque fort de ce que je souffre pour ne pas redouter d’autres souffrances. Vous ignorez, ô divinités pressées autour de