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génie du dix-neuvième siècle, mais un Romain ou un Grec, enrichi, par une civilisation plus simple et des croyances moins inquiètes, de ces priviléges qui de l’Olympe descendaient sur les jardins d’Académus, de ces dons à jamais perdus de l’Equilibre moral et de l’Harmonie intérieure !

Gœthe fut un païen. Que de fois on l’a dit ! Disons plutôt, disons encore qu’il fut un ancien, pour nous dégager de toute réminiscence d’un polythéisme aboli. Jamais il n’a mieux mérité ce nom que dans ses Entretiens. Comme un ancien, il est grand dans la familiarité et simple dans la grandeur ; comme un ancien, il reste inaccessible à l’émotion violente ; il ignore le cri discordant, le geste tumultueux, la note fausse, le sanglot véhément, et il laisse couler la parole comme le regard ou le sourire. Sans être jamais exclusive, sa poétique, qui tolère toutes les autres poétiques, ne cesse pas d’être celle de l’antiquité. La fraternité du beau et du vrai, tel est son idéal, le même qui rayonnait au Cap Sunium. Mais Gœthe, comme Platon, conseillera au Vrai de se laisser un peu dominer par le Beau. Celui qui n’a pas jugé son poëme complet s’il ne réconciliait le moyen âge avec l’antiquité en mariant Hélène avec Faust est, dans la plus grande partie de son œuvre, et toujours dans ses entretiens, un classique parfait et convaincu. Gœthe est le plus classique des grands poëtes de notre âge. On n’en doutera pas maintenant. Vieillard, il vivait encore dans la contemplation sacrée du Beau ; il aimait à dire, tout en rendant hommage à la foi ennemie de Schiller, qu’il avait défendu