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de Musset ? Vous vous récriez. Et pourtant je le redis, avez-vous fait autre chose, vous qui dans une pièce d’Aristophane personnifiez l’amour antique en une jeune fille qui n’est pas même une Grecque de Ménandre, qui n’est une Grecque d’aucun temps ?

Je n’insisterai pas sur l’invraisemblance d’une vierge libre éprise d’un esclave. Je continue la revue des personnages. Vous n’avez fait subir aux rôles de Chrémyle et de Carion que des modifications insensibles. Plutus a surtout souffert à ces arrangements. En diminuant son rôle au profit de Mercure, vous lui avez retiré ce reste d’intelligence qu’Aristophane lui avait laissé. Je veux bien que ce soit un dieu aveugle, capricieux, faible, poltron, injuste dans ses faveurs ; il n’en est pas moins un dieu. C’est ce que comprenait le génie païen, tout en livrant ces immortels aux risées inoffensives d’un public encore croyant. Mais, pour faire même après coup une œuvre de ce genre, il faut ce grain de génie païen qui vous manque plus qu’à tout autre, ô puissant interprète de la vie moderne et de son héroïsme obscur et maladif ! Cependant rien d’essentiel n’a été déplacé dans le caractère de Plutus. En revanche, vous avez singulièrement développé le rôle de la Pauvreté. Votre parti pris de morale et d’utilité le voulait ainsi ; mais était il bien prudent de faire longuement parler cet être moitié divin, moitié allégorique ? La Pauvreté, dans la magnifique scène d’Aristophane, indique éloquemment les conséquences désastreuses d’un soudain et général enrichissement, la suspension du travail, et par suite l’indigence. Mais