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rêves, rêves de verdure et d’ombre, de vin bu mollement avec des amis et sur une couche d’asphorède, de flûtes entendues au lointain. N’est-ce pas encore la un idéal quelconque ? Mais, pour nous élever plus haut, est-il rien de plus doux, de plus tendre et de plus chaste que la huitième idylle, ce dialogue de deux jeunes pasteurs où l’on trouve comme un instinct de la grâce pudique si bien comprise par Virgile. Ménalcas dit avec bien du charme : « O loup, épargne mes brebis et mes chèvres ; ne me nuis pas parce qu’étant petit je mène un grand troupeau. 0 chien Lampuros, dors-tu donc profondément ? Il ne faut pas dormir quand on aide un jeune pasteur. » Et cet éloge du printemps n’est-il pas délicieux ? « Le printemps est partout ; partout les pâturages verdissent ; partout les mamelles se gonflent de lait ; partout les jeunes animaux paissent là où la jeune fille s’avance. S’en va-t-elle ? le pasteur et les herbes se dessèchent. »

Ce sont des poëtes que tous ces bergers. Ils peuvent dire : « J’aime la Muse et les chants. » Et Théocrite ne nous trompe pas, et il ne parle point par leur bouche. Car une sorte de poésie fraîche et sauvage est comme naturelle aux moissonneurs et aux bouviers que Théocrite a pris pour modèles. Songeons que ce sont des Grecs ou des Italiens que nous avons sous les yeux, c’est-à-dire les deux races les plus poétiques de l’Europe. Qu’on se rappelle les chants populaires des peuples du Midi ; ils abondent en images et en expressions qui sont de la langue deThéocrite.

Rien encore aujourd’hui n’est plus facile, plus fréquent