Page:Des Essarts - Les Voyages de l’esprit, 1869.djvu/286

Cette page n’a pas encore été corrigée

par l’instinct artistique de la race, par la contemplation quotidienne des chefs-d’œuvre, comme l’a fait ingénieusement M. Caselli. Cette race possède au plus haut point l’amour et la vertu de la tradition ; bien loin d’effacer les traces de ses aïeux avec une cruelle mobilité, elle garde leurs vestiges assez fortement imprimés dans des sillons fidèles pour qu’ils puissent reparaître au jour marqué. La peinture ne me dénoncet-elle pas la persistance du type ? Les pâtres bruns de Benouville et d’Hébert seraient reconnus par Virgile, et tel fermier de la Sabine me rend les allures du vieux Caton. Telle attitude vient de l’Étrurie ; tel geste nous représente les rudes paysans d’Arpinum. Ici vit l’antiquité ; là subsiste le moyen âge dans cette Italie savamment originale qui trouve le secret de devenir moderne sans répudier violemment son passé. Cette piété lui a porté bonheur. Je surprends dans ces essais naïfs des rencontres vraiment fortunées avec les plus délicates inventions de la muse latine.

« De saluts je vous envoie mille, autant qu’il est au « ciel de petites étoiles, autant que dans les fleuves il « est de gouttes d’eau et de poissons dans les belles « ondes. » C’est le souffle léger de Catulle fixé à travers la distance. L’âme du poëte de Lesbie est restée à demeure dans sa chère Vérone. Théocrite surtout, plus Sicilien que Grec, semble avoir laissé son inspiration dans ces âmes chantantes qui sont encore les âmes de ses pasteurs Les douceurs caressantes et les subites brutalités alternent dans ces strophes comme dans l’idylle syracusaine.