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C'est la grande divergence de 1 antiquité grecque avec les temps modernes. Les anciens ne pouvaient guère concevoir ni admettre d’émotions irréfléchies, eux si sûrs deux-mêmes, si équilibrés, si franchement sains. Ne confondons donc pas dans leurs œuvres la tristesse, sentiment naturel à l’homme et que des malheurs réels excitent, avec la mélancolie, où il entre toujours quelque chose de factice et d’accidentel. Quelques strophes d’Horace où la mort se dresse au milieu d’un festin ne démentent pas cette réflexion ; car cette mélancolie « après souper » ne vient que pour ranimer [a verve affaiblie des sages buveurs et ne leur rappelle la fuite de l’existence que pour leur conseiller la jouissance hâtive. Carpe diem !

« Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie ! »

Visiteuse qui n’a rien de terrible chez Horace, la mélancolie se présente souriante ; car, pour rassurer les convives, elle n’a pas oublié sa couronne de roses. Cependant, avant Horace, en Grèce, même à Rome, la mélancolie avait pris un accent plus soutenu, plus persistant et par suite plus moderne. Il est dans le fragment de Ménandre un bien grand nombre de vers pensifs. Choisissons quelques épaves de ce naufrage si regrettable, un naufrage dejeune Tarentine !

« La mort est douce pour celui qui ne peut vivre « comme il veut. »

« Tu es mortel, ne ris pas des morts. »

« Il y a je ne sais quelle parenté entre la douleur « et la vie. »

« Celui qui est aimé des dieux meurt jeune. »