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IV

Quels sont donc ces génies rejetés au second plan, relégués dans l’ombre ? C’est toute une famille de poètes, d’historiens, d’orateurs, avec laquelle Victor Hugo ne compte pas parce qu’il n’y reconnaît point les caractères et les visées de sa race. Victor Hugo et ses devanciers sont les découvreurs et les conquérants du sublime ; les autres sont les adorateurs et les interprètes du Beau. La poursuite du Sublime ouvre des perspectives jusque sur l’Infini ; la recherche du Beau nous ramène au Fini, mais en même temps à l’Harmonie et à la Perfection. Le Sublime s’accorde toutes les libertés ; le Beau admet toutes les règles. Entre le Sublime et le Beau nous n’avons pas à décider. Nos prédilections nous portent tout autant que Victor Hugo vers Eschyle et vers Shakespeare, que nous regardons comme les deux astres poétiques de l’humanité.

« Comme deux rois amis, on voyait deux soleils

Venir au devant l’un de l’autre (1). »

C’est donc en quelque sorte au Sublime que nous donnons l’avantage. Cependant, après Eschyle et Shakespeare, nous rétablissons l’égalité entre les

(1) Les Orientales.