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— justifie à n’en pas douter la doctrine que j’ai soutenue contre vous. Vous allez chercher sur son piédestal un véritable Olympien, Rossini, incarnation de votre thèse, vivante théorie de l’Inspiration irréfléchie et semblable à la grâce. Ce génie de rossignol, cette vocation harmonieuse, ne sont pas à discuter. Rossini peut défier toute critique passagère, car il est immortel. Faut-il croire pourtant qu’avant lui n’aient existé que des dieux imparfaits, qu’après lui ne soient venus que de faux dieux ? Donner des maîtres à Rossini pour le plaisir de vous contredire, ce serait une pure injustice ; mais, sans trop se hasarder, on peut lui assigner des égaux… Or, parmi ces égaux, quelques-uns semblent plus que lui avoir pris possession de l’humanité. Vous jouez vraiment de malheur, cher maître ; au moment où vous proclamez en musique l’excellence de l’art spontané, de toutes parts on le délaisse. L’Allemagne est à Wagner, l’Italie à Verdi, l’Europe à Mcyerbeer. Quand revient-on à Rossini ? Par moments, et comme pour se donner une récréation délicieuse. Mais la grande attention, la sympathie tenace, l’émotion profonde, sont destinées, sont acquises à d’autres qu’à lui. C’est qu’ils ont eu plus de souci du public, plus d’inquiétude de leur œuvre, plus de respect pour l’idée qu’ils traduisaient ; c’est, en un mot, parce que, non contents de pouvoir, ilsontvo « /w.’

Cette préférence du public moderne n’est pas une ingratitude, tant qu’elle ne tourne pas à un inique dédain pour ce père des enchantements et des féeries. Vos aveux mêmes la justifient et la confirment. Comment