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nise. La barbarie, parfois traversée dans sa nuit d’éclairs civilisateurs par la chevalerie, la poésie et la prédication des saints, n’a pas cessé d’être la barbarie telle qu’elle apparut pendant les croisades aux yeux clairvoyants des Grecs. Parfois héroïque, elle a été trop souvent rusée, cruelle, violente, toujours superstitieuse et lâche vis-à-vis de l’inconnu. Telle Leconte de Lisle nous la montre ; il nous la fait voir rebelle contre le prêtre qui cherche à la dompter, rebelle jusqu’au sacrilége et à la folie féroce ; souvent aussi prosternée par cette main forte et frêle jusqu’au tremblement abject dans l’universelle épouvante de l’enfer. Ce terrorisme de la vie future, Leconte de Lisle l’a peint des plus naïves et des plus sombres couleurs dans la Vision de Snorr. Les Deux Glaives nous font connaître ce duel du sacerdoce et de l’empire où éclatent le morne triomphe d’Hildebrand et la chute navrante d’Henri IV, traîné par la destinée de l’agenouillement public devant le Pape à l’agonie solitaire dans une masure, loin de son fils armé contre lui par le Saint-Siége. Les Paraboles de don Guy nous attirent dans une sorte de danse macabre où tourbillonnent tout les vices et tous les fléaux de cette époque.

Enfin l’Agonie d’un saint étale à nos yeux indignés tout l’appareil des persécutions et des tortures. Ces derniers morceaux sont réellement les plus beaux du livre. Un seul poëme les dépasse par le privilége de la perfection : c’est le Corbeau. Moins de mouvement, plus de grandeur, voilà le caractère qui distingue cette fiction merveilleuse. Ainsi nous avons déroulé l’œuvre