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son souffle qui toujours descend vers l’homme, où l’homme a fait surgir son idéal qui monte toujours. vers Dieu !

Ainsi, dans les volumes de vers de Leconte de Lisle comme dans les œuvres d’Ernest Renan, on retrouvera dans l’avenir toutes les splendeurs des cultes séculaires et parfois aussi leurs ombres, en réalité l’histoire même de l’âme humaine. Quels plus beaux et plus nobles sujets pour l’imagination que le mythe seconde, comme pour la pensée que le symbole favorise. L’histoire, voilà l’infini domaine qui s’ouvrait aux explorations de Leconte de Lisle, Christophe Colomb d’une poésie encore ignorée et aussi féconde qu’une Amérique.

Dès le premier volume de Leconte de Lisle, cette intention fut visible, quoiqu’elle nous fût dérobée par des diversions étrangères à l’idée dominante de l’auteur. Ce premier volume contenait quelques éléments disparates, quelques morceaux qui semblaient purement des essais de jeunesse. Un grand nombre de pièces n’étaient que des études sur les mœurs pastorales ou érotiques de l’antiquité, admirablement décalquées sur Théocrite, sur Anacréon, sur Horace, véritables chefs-d’œuvre d’exécution, mais où ne s’accusait pas fortement une volonté poétique. La fantaisie du poëte est chose sacrée. Que Leconte de Lisle nous ait encore donné de semblables poëmes, nul ne s’en plaindra ; car ce sont des miracles de forme et de couleur que ces études latines ou ces odes anacréontiques. Mais, avec raison, Leconte de Lisle devait les