Page:Des Essarts - Les Voyages de l’esprit, 1869.djvu/145

Cette page n’a pas encore été corrigée

dans cette élégance et cette passion toujours en uniforme ; mais ce dandysme est plus sincère et plus convaincu que celui de Georges Brummel. L’auteur de la Folie de Vépée croit à l’aptitude amoureuse et mélancolique de ses colonels, comme à son dogme de la guerre purifiante et médiatrice. Il dit d’un accent trop grave pour être écouté d’une oreille distraite : « Si les balles ont fait entrer la mort dans nombre de corps, dans combien d’âmes ont-elles fait entrer la vie ! » Ainsi, cet intérêt passionné qu’il attache à ses personnages ne nous permet pas de nous apercevoir que ces Amaury et ces Vandenesse ne sont éternellement que des soldats. On pourrait redouter la monotonie, et pourtant jamais sur ces récits que domine une préoccupation unique, jamais l’esprit de système n’a fait planer une uniformité désolante.

Soldat lui-même, il était fait pour bien connaître les âmes de ses compagnons. Car la tente était son home, et le champ de bataille fut toujours pour lui le jardin préféré, le jardin des fleurs sanglantes. Peut-être, dans ces confidences de la vie commune a-t-il plus d’une fois observé ce qu’il nous a si souvent dépeint, c’està-dire, sous les apparences de l’insouciance, de la brus querie ou de la froideur militaires, la réalité d’une âme tendre, élégiaque, presque féminine. De tels contrastes sont des plus naturels. Les passions les plus violentes et les plus sincères sont les passions refoulées et contenues qui ne se dérobent que pour éclater avec des coups de tonnerre. Un Célio, un René dam les camps, voilà ce qui a paru possible, réel, à Paul de Molênes.