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ils sont animés d’un souffle trop ardent, pénétrésd’une souffrance trop sincère, pour que les beautés qu’ils contiennent ne nous disposent à les relire avec intérêt. Mais qu’on nous fasse gaâce de ces Rhapsodies ! que, par égard pour leur auteur, on ne les reproduise jamais ; leur succès, en 1832, prouve seulement combien les négligences de la forme pouvaient alors passer pour des hardiesses, et comme en certains cénacles on se méprenait sur le vrai sens de la rénovation littéraire. Victor Hugo ne s’y trompait pas.

Je serais moins sévère pour les romans et les contes de Pétrus Borel. Il me semblerait à propos de les rééditer, en vue des lettrés, à un nombre très-restreint d’exemplaires, leur immoralité systématique devant les éloigner du public. Les artistes y trouveraient un sérieux attrait de curiosité : le style, sans doute, affiche les mêmes défauts exorbitants que j’ai relevés dans les vers de Borel ; mais ils sont compensés par une certaine puissance d’ironie, par le mouvement qui court à travers ces pages fébriles. On est révolté, scandalisé, mais amusé souvent par des boutades d’un comique renversant : ainsi la fameuse scène avec le bourreau, cette requête pour être guillotiné ; et quand l’exécuteur s’écrie : « Tuer un innocent ! » cette réponse shakspearienne : « Mais n’est-ce pas l’usage ? » On pourrait, avec moins d’inconvénients, rassembler des mélanges de Pétrus, quelques sonnets, des articles souvent spirituels, un remarquable pastiche de Montaigne, des morceaux de toute sorte que fournirait en grand nombre la riche collection de Y Artiste. Enfin,