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une valeur plus haute à des marques de tendresse ou de passion qui ne lui sont pas imposées. Ce double idéal de l’amour s’est donc épuré dans le moyen age, et toujours il va en s’épurant, malgré les apparences contraires. Aucune des femmes du théâtre antique ne paraît aimante en comparaison de Chimène ou de Pauline, de Juliette ou de doiïa Sol. Catulle et Properce eux-mêmes sont bien engagés dans le sensualisme et dans la matière pour qui s’associe aux douleurs plus spiritualistes de René ou de Musset. Le sentiment du Divin, la perception de l’Infini, se sont mêlées à l’amour et lui ont communiqué je ne sais quel prestige religieux.

En même temps s’agrandissait, se multipliait le nombre de ceux qui pouvaient y atteindre. Que d’Alcestes chrétiennes ! que de victimes de la passion ! Les grands exemples des deux antiquités se comptent aisément. Dans l’art ou dans l’histoire, la vie des modernes en a fourni par centaines ; nous ne saurions croire pourtant que l’amour soit arrivé à son expression définitive, que son idéal soit parvenu à cette perfection dont il s’est rapproché. A côté des amours dignes de ce nom, la part est trop grande encore que l’humanité laisse à la frivolité, au caprice, à la débauche. A côté des vrais et saints mariages, que d’unions provoquées par l’ambition ou la cupidité, à jamais infructueuses —’pour les œuvres héroïques du Devoir. L’amour peut et doit subir une dernière transformation, celle que Platon a rêvée et qu’il a même entrevue avec son regard prophétique. Il peut se dégager de plus en plus de la