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du terrain et promenait ses ravages sur un espace de plus en plus élargi, emportant avec elle les vieilles mœurs, la vieille religion, la vieille liberté, le jeune amour. C’est à ce spectacle de dissolution que nous fait assister M. Chassang dans son Histoire du roman. Ouvrez le chapitre des Romans d’amour, et cet érudit, qui est un véritable écrivain et qui sait donner à la science une allure élégante, vive, charmante, vous fera la triste et curieuse peinture de cette décadence de l’amour. Ici la sensualité déréglée, la volupté qui joue l’innocence, mais qui, même par son affectation de naïveté, trahit l’impuissance et le libertinage. Rome dégénérée se plaît à la lecture des Contes milésiens et sybaritiques, histoires licencieuses qui de la mémoire des hommes avaient passé dans la circulation littéraire sous une forme engageante. M. Chassang nous montre Albinus, un rival de Septime Sévère, un de ces maîtres d’un jour que Chateaubriand, dans le style bizarre de ses Études historiques, appelle des fripiers d’empire, « occupant les loisirs que lui laissait son ambition à composer des Contes milésiens ». « C’étaient de légères et rapides esquisses dans le genre des fabliaux du moyen age, moins la versification, et des nouvelles qui composent le Décaméron de Boccace ou YHeptaméron de Marguerite de Navarre… L’influence des Contes milésiens s’était fait sentir jusque dans l’histoire ; elle y avait introduit un certain nombre d’épisodes érotiques, la plupart imaginaires. » Les anecdotes de la volupté se glissant dans l’histoire, quel témoignage d’abandon suprême dans les mœurs, d’affaissement dans l’esprit