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Napoléon s’écria :

— Il me faut absolument cette redoute !

Alors les Russes purent voir qu’ils avaient à combattre une armée dont chaque soldat était un héros. Les cuirassiers de Montbrun firent une charge si brillante, qu’on les eût dit à la parade. Cependant ils furent repoussés et leur vaillant général resta sur le champ de bataille, coupé en deux par un boulet de canon.

Napoléon, s’adressant au général Auguste de Caulincourt, répéta son ordre.

Conduits par cet officier intrépide, les cuirassiers, réformés à la hâte, toujours valeureux, chargèrent une seconde fois. Malgré le feu meurtrier des batteries, ils pénétrèrent dans la redoute, suivis de près par Eugène, et pas un soldat Russe ne sortit vivant de la place.

Mais la victoire coûta cher.

— Caulincourt fut tué et au moins la moitié des cuirassiers eurent le même sort. Ce qu’il y a de plus triste, c’est que cette victoire fut sur le point d’être parfaitement inutile grâce aux hésitations de l’empereur qui négligea de faire marcher immédiatement sa garde.

Le commandant d’artillerie Sorbier, de la garde, fit de son mieux pour réparer cette faute ; il réunit à la hâte une batterie puissante et mitrailla la réserve russe. L’ennemi, entamé de différents côtés, lança contre nous toute sa cavalerie. Mais Murat, était là, et ses régiments, électrisés comme toujours par son exemple eurent bientôt déblayé le terrain.

Ici Napoléon commit une nouvelle faute. Au lieu d’envoyer sa garde achever la déroute de l’ennemi, il la conserva immobile, intacte, inutile. Tous ces régiments, frais, bien équipés, ne brûlèrent pas une cartouche, ne donnèrent pas un coup de sabre. Décidément, il voulait garder sa précieuse garde pour un service moins glorieux.

Dans cette bataille, dont le résultat fut nul ou à peu près, les Russes perdirent trente mille hommes tués ou blessés et les Français vingt mille. J’ai cité, de notre côté, les généraux Montbrun et de Caulincourt ; les Russes perdirent Bagration, un des meilleurs généraux de l’époque.

Le lendemain, 8 septembre, à l’appel du matin, nous étions encore 90,000 hommes valides !

Cependant un Te Deum solennel fut chanté à Paris. Il est vrai de dire qu’on en fit autant à St-Pétersbourg.

Des deux côtés on s’attribuait la victoire.