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d’halifax à québec

ne les quitte pas d’une semelle ; on sait où ils vont, ce qu’ils mangent, comment ils dorment, ce qu’ils pensent, s’ils portent des bretelles ou de la flanelle. Quelques-uns de ces comptes rendus sont véritablement fantastiques et, comme échantillon, voici un extrait du Morning Chronicle, du lundi 17 août, qui se passe de tout commentaire :

« Il y a quelques semaines, on avait fait courir le bruit de l’arrivée dans le Dominion, de cent cinquante Français, venus pour visiter ce qu’ils appellent avec enthousiasme la Nouvelle France. L’arrivée du Damara, samedi matin, a montré que ce chiffre avait un caractère exagéré et que le nombre des voyageurs était réduit au tiers. Il y en a cependant beaucoup et ils ont donné à la cité une apparence tout à fait parisienne, samedi et dimanche. Le Damara a quitté le Havre, avec sa cargaison (cargo) de Français, le 1er du courant. La traversée n’a pas été un petit sujet d’amusement pour les passagers. Ils ont parlé très haut du confortable et du service qu’ils ont eu, et, pour montrer l’estime dans laquelle ils tenaient le capitaine, ils lui ont présenté une adresse accompagnée d’un cadeau assez conséquent…

Pendant leur séjour, ils ont été l’objet d’une grande curiosité. En général, ils ne ressemblent pas exactement au type du Français conventionnel. Quelques–uns d’entre eux passeraient presque partout pour des Anglais, s’ils gardaient leurs lèvres closes. Mais du moment qu’il commencent à parler, leur organe gaulois détruit toute illusion. Plusieurs cependant représentent bien le Français dont nous avons parlé plus haut. Il est poli, il gesticule, son menton est orné d’une gracieuse barbiche ; il est très amateur de café, cognac et absinthe. Quelques-uns parlent un petit anglais de pigeon (pigeon english). L’éducation de la majorité est limitée à la langue française. Les efforts faits pour se faire comprendre par quelques-unes des dames spécialement, lesquelles sont au nombre de huit ou dix, sont tout à fait risibles. Ils ont eu le plus grand mal à ce sujet au télégraphe, un grand nombre envoyant des dépêches à leur amis. Aux hôtels aussi, la difficulté n’était pas petite et les interprètes faisaient prime.

Hier, une partie d’entre eux a été à l’église et les dames de la cité avaient fort à faire pour examiner les modes parisiennes, représentées par les costumes de ces étrangères. Les Françaises étaient toutes habillées de lourdes soies noires et portaient des chapeaux pointus en paille, ornés de plumes d’autruches coloriées. Les habillements des hommes ressemblent à quelques-uns des vêtements des gentilshommes anglais. D’autres se rapprochent des costumes du type yankee, comme on le dessine dans le Puck. Parmi eux il y a le comte Molinari, le vicomte de Bouthillier et autres de sang noble.

… Beaucoup sont membres de la Société géologique de France ; ils ont traversé la mer dans l’intention de poursuivre leurs recherches géologiques dans un pays qu’ils n’ont pas encore exploré. Ils espèrent faire beaucoup