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Il lui prenait encor d’étranges fantaisies :
Quitter le monde, fuir aux lieux inhabités ;
Son esprit s’emplissait d’ardentes poésies,
De fauves passions et d’amours indomptés.

D’autres fois, se parant d’une grâce pudique,
En peignoir de linon, les cheveux en bandeaux,
Elle redevenait la candide Angélique,
La perle de beauté cachée au fond des eaux.

Puis, elle avait des goûts excentriques, bizarres,
Parlait chevaux pur sang, rêvait mets inconnus,
Ou macérait sa chair par des actes barbares,
Impitoyablement flagellant ses seins nus.

Il existe, dit-on, une fleur introuvable,
Qui croît dans un pays lointain et merveilleux ;
Une étonnante fleur à la voix adorable,
Le charme de l’ouïe et le charme des yeux.

Idéal ! Idéal ! c’est toi, cette fleur rare,
Qui sans cesse irritant notre éternel désir,
S’éloigne, fuit encore et toujours nous égare,
C’est toi, la Fleur qui chante, impossible à saisir.

Le mari d’Angélique, en homme raisonnable,
Laissait faire sa femme, et comme passe-temps
S’était accommodé d’une fille admirable,
Qui traînait sa beauté dans les cafés chantants.

A Paris, ce sont là choses fort ordinaires
De trouver des époux aussi bien assortis ;
Femmes sans jalousie et maris débonnaires
Vivent séparément, de l’accord des partis.