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Elle n’ignore plus l’art terrible de plaire.
Sa lèvre est sensuelle, et de fauves ardeurs
S’échappent par éclairs de sa longue paupière ;
C’est le fard aujourd’hui qui lui fait des pudeurs.

Ses lourds cheveux, tordus par une main savante,
Retombent sur ses reins parfumés et polis,
Son allure est rhythmique, et sa gorge éclatante
A des rougeurs d’aurore et des blancheurs de lis.

C’est le type charmant de la Parisienne,
Vive comme un oiseau, plus fine qu’un démon,
Mystique et libertine, incrédule et chrétienne,
Le jour : sainte Thérèse ! et la nuit : Marion !

Mais Angèle s’ennuie… Ah ! la terrible chose,
Que cet ennui cloué sur un front de vingt ans,
Cet ennui qui vous suit pas à pas, l’air morose,
Avec sa griffe ouverte, avec ses longues dents ;

Toujours plein de désirs, toujours insatiable,
Ce père des Néron et des Caligula,
Qui, mélangeant le sang au vin vieux de la table,
S’accompagnait du luth lorsque Rome brûla.

Oui, terrible est l’ennui sur le front d’une femme
Belle et riche, et comment, et par quoi l’apaiser ?
Ce qu’on n’achète pas dans ce Paris infâme,
C’est un timide amour, c’est un chaste baiser ;

Et c’était là parfois le seul rêve d’Angèle,
La douce vision qui troublait son sommeil,
Sous les rideaux brodés de son lit de dentelle,
Alors que pâlissait la lampe de vermeil.