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LES DEUX FRATERNITÉS

des phrases creuses mais fascinantes, il enlève un auditoire disposé à l’avance par les excitations des feuilles avancées et par d’habiles courtiers en anarchie.

— Beaucoup d’ouvriers de chez nous seront à la réunion, dit Cyprien. L’agitation augmente, nous aurons certainement la grève un de ces jours. On travaille beaucoup les camarades, ils ont la tête tout à fait montée. Maintenant, nous ne sommes plus qu’un petit noyau qui ne veut pas entendre parler de grève, parce que nous voyons très bien qu’il s’agit simplement de faire le jeu d’agitateurs politiques — de ce coquin de Prosper, peut-être !

— Vous gardez une dent à votre cousin, Mariey ? dit en souriant M. de Mollens.

— Monsieur, ça me révolte, que voulez-vous ! répliqua Cyprien d’un ton indigne. Penser que cet hypocrite, ce jouisseur, berne comme cela le pauvre peuple ! Ah ! non, c’est plus fort que moi !

— Nous voici arrivés, je crois, dit M. Hablin.

Ils se trouvaient devant une vieille maison de rapport. Sous la porte cochère s’engouffraient, par groupes ou isolément, des hommes, la plupart des ouvriers, quelques-uns en habits de travail, d’autres endimanchés. Parmi eux se voyaient quelques gens à l’allure de bourgeois.

M. de Mollens et ses compagnons entrèrent comme eux, ils se trouvèrent dans une cour étroite et longue. En face d’eux se dressait un bâtiment composé d’un simple rez-de-chaussée,