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LES DEUX FRATERNITÉS

le dis à Zélie, je ne tiens pas à augmenter le luxe de notre installation, mais il me faut une table bien servie et une cuisinière habile. Madame voudrait qu’on change d’appartement, celui-ci ne lui paraît pas suffisamment cossu. Et puis, il lui faudrait un valet de chambre ! Mes moyens ne me permettent pas ça, je le lui ai déclaré carrément. Et sais-tu ce qu’elle m’a répondu ?

— Non, je l’ignore, répondit distraitement Prosper, absorbé dans la délectation de ses huîtres.

— Voilà ses paroles textuelles : « Tu n’es qu’un vieux pingre, mais je ne t’ai pas épousé pour me voir refuser toutes les satisfactions, et nous aurons vite fait de régler tout ça si tu continues. » Tu vois que ça commence à chauffer ! Il ne faut plus grand-chose pour que… crac ! nous nous en allions chacun de notre côté, redevenus libres comme l’air.

Une porte s’ouvrit tout à coup sous une main un peu brusque, laissant apparaître une jeune femme grande et mince, en élégante toilette de sortie.

— Prosper ! voilà une bonne surprise ! dit-elle d’un ton où passait une vibration de contentement.

Prosper, sans se déranger, se détourna à demi sur sa chaise et lui tendit la main.

— Tu devais bien compter un peu sur moi, Zélie ?

— Pas aujourd’hui, je pensais que tu avais affaire là-bas.