Page:Delly - Les deux fraternités, ed 1981.djvu/47

Cette page a été validée par deux contributeurs.
45
LES DEUX FRATERNITÉS

cousins ont fait quelque bel héritage et ils ont voulu rompre complètement avec leur passé, leur entourage…

— Ah bien ! ça serait du propre ! s’écria le tonnelier. Lui qui parlait si bien sur la fraternité, sur le partage du capital…

Un fin sourire, teinté d’ironie et de tristesse, souleva la moustache brune de M. de Mollens.

— Justement, il a eu peur que vous ne lui demandiez de passer des paroles aux actes… Il a fui pour éviter d’avoir à écorner quelque peu sa fortune en faveur de « ses frères ». Je ne vois que cette explication à une si étrange conduite.

— Eh ! la canaille ! dit un jeune ouvrier au teint blême en brandissant son poing dans la direction de la rue. Il avait aussi une façon de regarder les copains depuis quelques jours ! On aurait dit qu’il se tenait à quatre pour ne pas leur tourner le dos… Et sa sœur faisait des airs, fallait voir ! Si bien que ma mère lui a dit un matin : « T’as donc gagné le gros lot, la Zélie ?… » L’autre a pincé les lèvres et lui a répondu en la regardant de haut en bas : « Le gros lot ?… Peuh ! je vous le laisse, si vous le voulez !… » La mère a cru à une plaisanterie, mais tout ça réuni…

— Oui, je crois que vous avez bien trouvé, monsieur le marquis, dit Cyprien. En voilà des individus !… Et de fameux socialistes, hein ! les amis ?

Le jeune ouvrier grommela quelque chose où