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LES DEUX FRATERNITÉS

risquait quelques observations pleines de douceur et de respect, elle se trouvait assaillie d’injures et souvent de coups. Mais, un jour, la malheureuse femme était tombée raide dans la rue. Depuis lors, elle était demeurée cette pauvre chose sans pensée, sans raison, qui passait ses journées dans un vieux fauteuil, près de la table où s’étalaient les passements utiles à Micheline. Car la jeune fille avait dû quitter l’atelier. Sa mère ne pouvait demeurer seule, il lui fallait une surveillance et des soins presque incessants. Micheline travaillait donc en chambre maintenant, et elle faisait encore d’assez bonnes journées, car elle était une experte ouvrière. Mais les dépenses étaient lourdes, l’infirme, chez qui n’existaient plus que les appétits matériels, absorbait une étonnante quantité de nourriture. Micheline arrivait tout juste à ne pas avoir de dettes, elle ne pouvait rien économiser pour les imprévus.

Mais, de même qu’elle avait enduré avec une admirable force chrétienne l’humiliation et la douleur que lui causait l’état dans lequel se trouvait si souvent sa malheureuse mère, de même qu’elle n’avait cessé de l’entourer de soins et de respect, ainsi, aujourd’hui, elle montrait un courage, une résignation, une tranquille confiance en la Providence qui faisaient la secrète admiration des directrices du patronage où elle se rendait parfois le dimanche, lorsqu’une voisine, brave femme peu ingambe, venait tenir compagnie à l’infirme.