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LES DEUX FRATERNITÉS

séparait le jardin du marquis de celui de la villa Lætitia. Claudine, maintenant, voyait distinctement la vaporeuse chevelure blonde de la jeune fille, sa taille svelte et élégante, son joli visage au teint délicat. Un sourire ému entrouvrait ses lèvres, tandis qu’elle écoutait le jeune officier qui lui parlait, un peu penché vers elle, sa physionomie éclairée par un rayonnement de bonheur.

Comme ils arrivaient à l’extrémité de l’allée, ils s’arrêtèrent quelques secondes, et Henry, prenant la petite main posée sur son bras, la porta à ses lèvres.

Claudine, devenue livide, recula jusqu’au milieu de la chambre.

— Fiancé ! il est fiancé ! balbutia-t-elle.

Elle se traîna jusqu’à un fauteuil, elle s’y laissa tomber et enfouit sa tête entre ses mains.

Tout ce qu’elle avait enduré jusqu’ici n’était rien à côté du subit écroulement de ce rêve éclos en elle presque à son insu, et si profondément implanté déjà. Pour elle, cette enfant de dix-huit ans, inexpérimentée encore, très vibrante sous sa tranquille apparence, très éprise d’idéal, et ne pouvant le trouver autour d’elle dans l’atmosphère déprimante de la villa Lætitia, Henry de Mollens représentait la noblesse d’âme, la beauté physique et morale, la bonté chevaleresque ; il réalisait toutes les aspirations secrètes de l’âme de Claudine, ignorante des adorables perfections divines dont l’homme le mieux doué, le plus saint, ne possède qu’un reflet. Silencieu-