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LES DEUX FRATERNITÉS

— Oui. Quand Pierre l’a quitté après l’avoir aidé à se coucher, il lui a demandé sa boîte de rasoirs, qui est habituellement dans le cabinet de toilette. Pierre la lui a donnée sans réfléchir, mais, à peine sorti de la chambre, cette idée lui est venue : « Tiens, qu’est-ce que Monsieur peut bien faire de ses rasoirs à cette heure !… » Il avait aussi remarqué l’air plus sombre que jamais de son maître, un air de quelqu’un qui s’apprête à faire un mauvais coup, a-t-il dit. Rencontrant Prosper dans l’escalier, il lui raconta cela. En deux bonds, Prosper était chez son fils. Il était déjà trop tard, il avait au cou une large blessure. Il se débat, il crie qu’il veut mourir, qu’il défend qu’on le soigne. Prosper et Pierre ont peine à le maintenir. Moi, je ne peux pas rester. Ce sang… non, je ne puis voir cela !

— A-t-on prévenu le médecin ? demanda la voix tremblante de Claudine.

— Oui, il est venu. Heureusement, il n’habite pas loin. Bon, voilà celle-là qui se pâme, maintenant ! Léonie ! Léonie !

Elle retint Claudine qui défaillait, et, avec l’aide de la femme de chambre, la porta sur son lit. La chaleur ranima bientôt la jeune fille, mais la fièvre était revenue, et un peu de délire se manifesta bientôt. Claudine voyait devant elle Alexis, la gorge ensanglantée, le regard étincelant de fureur ; il étendait la main vers elle en disant :

— C’est toi qui me tues !