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LES DEUX FRATERNITÉS

même reniait l’idée de patrie encore un peu existante en lui jusqu’ici. Et il n’avait pas dit un mot pour défendre Claudine contre l’injustice, la dureté de son père.

Qu’étaient-ils ceux-là, près de « lui », dont le regard révélait si bien la haute valeur morale, la noblesse d’âme ; près de lui, le gentilhomme qui avait si bien su, avec une délicate et respectueuse courtoisie, lui dire sa reconnaissance du service rendu ! Il lui semblait entendre encore sa voix vibrante, sentir sur elle le regard ému de ses yeux gris si profonds… Et un apaisement se faisait en elle, une douceur mystérieuse envahissait son âme.

On frappa à la porte, elle vit entrer Léonie.

M. Alexis fait prévenir Mademoiselle que le docteur viendra tout à l’heure pour voir son bras.

— Le docteur ? Mais je n’en ai pas besoin ! Dites à M. Alexis que c’est inutile.

— Pierre est déjà parti pour le prévenir, il faudra bien que Mademoiselle le reçoive maintenant.

Claudine se renfonça dans son fauteuil. Une rougeur de colère couvrait ses joues, ses lèvres avaient un plissement de mépris.

« Hypocrite ! murmura-t-elle. Après m’avoir fait souffrir, il feint de s’intéresser à moi. J’aime mieux la façon d’agir de son père ; au moins, quand il me rudoie, il ne vient pas après chercher à me faire croire à sa sollicitude. »