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LES DEUX FRATERNITÉS

idées. Claudine avait reçu une instruction très étendue, dont avait profité sa vive intelligence. En même temps on lui insufflait soigneusement la haine de la religion et le dédain pour toutes les vieilles entraves morales que l’avènement du socialisme ferait enfin disparaître de la société.

Dans quelle mesure Claudine avait-elle profité de ces enseignements, personne ne le savait, pas même la directrice qui avait mis tous ses soins à modeler ce jeune cœur selon les vues exprimées par Prosper Louviers.

— Faites-en une femme sans préjugés, une vraie socialiste, avait dit le député.

Mais personne ne savait ce qui se cachait sous le calme un peu fier de Claudine, sous la douceur un peu dédaigneuse de ses grandes prunelles bleues.

Elle semblait se donner tout entière à l’étude et ignorer la coquetterie, les désirs de luxe et de plaisir. Cependant, elle avait une sorte de mouvement répulsif et comme effrayé en passant devant de pauvres demeures, ou en croisant des gens misérablement vêtus, tristes ou souffrants. Une interrogation angoissée, une mélancolie intense, s’exprimaient alors dans son regard souvent songeur.

Elle avait passé toutes ses vacances chez le député, qui était très généreux à son égard et se faisait appeler par elle « oncle Prosper ». Il exigeait en retour de sa pupille une soumission absolue et se montrait toujours pour elle fort autoritaire, ne craignant pas, au besoin, s’il se