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LES DEUX FRATERNITÉS

automobile qui arrivait, ses phares allumés, droit sur l’enfant.

En un bond, elle était près de lui, le saisissait, l’enlevait. Le chauffeur serrait ses freins, la voiture s’arrêtait au moment où elle frôlait la mère et l’enfant.

De l’intérieur, quelqu’un se pencha, une tête d’homme aux traits accusés, à l’élégante barbe noire et frisée. Son regard tomba sur la jeune femme qui venait de se reculer et se trouvait sous la pleine lumière d’un réverbère, ses bras serrant l’enfant contre elle, son pâle visage encore plein d’effroi, d’une beauté saisissante, avec l’expression de tragique angoisse qui remplissait son regard.

L’étranger tressaillit, une émotion soudaine parut sur sa physionomie froide et indifférente.

— Micheline ! murmura-t-il.

Déjà le chauffeur, avec un juron à l’adresse de ces « stupides piétons », remettait l’auto en marche.

— Attendez, Richolle ! dit son maître.

Mais Micheline s’éloignait, son fils toujours serré contre elle. Dans ce visage tourné vers elle, son regard, encore affolé par le danger que venait de courir Louis, avait reconnu Prosper Louviers… Prosper, un des véritables auteurs de la mort de son mari !

— Vous pouvez aller, Richolle ! dit le député en s’enfonçant à l’intérieur.

Une impression singulière venait de s’emparer de lui à la vue de celle qu’il avait aimée, alors