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LA PETITE CHANOINESSE

pieuse que fût Élys, elle n’avait pas le désir de la vie conventuelle. Jusqu’à ces derniers temps, la jeune fille n’envisageait d’autre perspective que celle de passer toute son existence à Prexeuil, d’y vieillir dans le célibat, comme l’avait fait Mme Antoinette, comme continuait de le faire Mme Bathilde. Car, dès l’enfance de sa petite nièce, la chanoinesse de Prexeuil lui avait persuadé que tel était pour elle le sort le plus enviable, et le seul qu’elle dût espérer, si l’état religieux ne l’attirait pas.

De mariage, il n’avait jamais été question. Mme de Prexeuil, en faisant elle-même l’éducation et l’instruction d’Élys, avait eu soin d’envelopper ce sujet d’un voile d’indifférence dédaigneuse, ou de le présenter sous un jour défavorable, bien fait, pensait-elle, pour en détourner une âme sensible et sérieuse telle que celle-là. Naturellement, jamais le plus blanc des romans n’était tombé sous les yeux d’Élys. Et la chanoinesse retenait une grimace de déplaisir quand, dans les ouvrages des plus graves auteurs, il était question d’amour.

« Ah ! s’ils avaient souffert comme moi de cette chose maudite, ils n’en parleraient pas si complaisamment ! » songeait-elle avec colère.

Ayant ainsi élevé sa petite-nièce, la tenant à