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LA PETITE CHANOINESSE

— La voiture est inutile. J’aime beaucoup mieux marcher.

Ogier sortit de la petite gare, et s’engagea sur la route, suivi du domestique. Le temps était humide et sombre, ce matin. Une brume s’étendait sur les bois, flottait au-dessus des prés et de la rivière torrentueuse, venue des hauteurs à peine distinctes derrière le voile grisâtre. M. de Chancenay, au souvenir du soleil qu’il venait de quitter, eut un frisson de déplaisir et pensa : « Je ne vais pas m’attarder ici ! Aussitôt les obsèques terminées, j’irai retrouver la Libellule, et cette petite Sari, vraiment gentille. »

Tout en marchant il évoquait la silhouette vive et menue de la jolie Hongroise, son fin visage très mobile, ses yeux câlins, qui cherchaient souvent les siens, et lui dévoilaient hardiment l’amour qu’il inspirait. Quelle que fût l’opinion d’Ogier de Chancenay au sujet des femmes en général, et de Sari Doucza en particulier, il lui plaisait d’être l’objet de ces sentiments passionnés, auxquels il ne répondait pas. Sari avait bien deviné, en jugeant qu’elle n’était pour lui qu’un amusement, une distraction d’un moment. Mais cette distraction lui était assez agréable pour qu’il la regrettât et désirât la retrouver très vite.