Page:Delly - La Petite Chanoinesse.pdf/20

Cette page a été validée par deux contributeurs.
9
LA PETITE CHANOINESSE

Il y eut des rires, autour de lui, et parmi eux celui de Sari, un peu aigu.

La jeune fille enfonçait dans un fauteuil profond sa personne menue, vêtue de blanc. Sur le bout de ses doigts aux ongles bien polis, elle faisait lentement sauter la petite marmite de paille bise, décorée d’un immense couteau de plumes couleur d’orange, qui lui servait de chapeau. Sous l’ombre des paupières demi baissées, elle ne quittait guère du regard M. de Chancenay qui fumait nonchalamment, l’air distrait, en jetant un mot dans la conversation, de temps à autre. Un reflet de soleil se glissait jusqu’aux cheveux blond foncé, souples et ondulés, jusqu’aux yeux bruns si beaux, où Sari se dépitait de trouver toujours tant d’ironie, sous la caresse charmeuse du regard, au lieu de la passion qu’elle souhaitait y voir… Et elle pensait une fois de plus, avec quelque colère : « Il y a quelque chose en lui que je ne puis saisir… quelque chose qui m’échappe, qui m’échappera toujours, j’en ai peur… »

Un peu avant le dîner, Sari entra dans la chambre de sa mère. Celle-ci, tout habillée déjà, compulsait des lettres posées devant elle, sur la tablette du bureau. Elle ne put retenir un mouvement de contrariété, à la brusque apparition