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LA PETITE CHANOINESSE

puis, comment trouver le temps long, en une si aimable compagnie ?

Le regard du baron effleurait les invités masculins, et s’arrêtait sur une belle personne blonde, très élégante, qui se balançait dans un rocking-chair tout en causant à bâtons rompus avec ses voisins.

On n’aurait trop su quel âge lui donner, tellement la fraîcheur de son visage était entretenue avec art. Et non moins indécis, peut-être, serait apparu son état civil, au cas où quelque curieux aurait entrepris des recherches à ce sujet. Elle se disait Française, veuve d’un Hongrois, et se faisait appeler la comtesse Doucza. On calculait qu’ayant une fille de vingt ans, elle devait être dans les parages de la quarantaine. D’une intelligence moyenne, mais souple, habile, sachant s’adapter à tous les milieux, elle arrivait, tout en faisant partie à l’ordinaire d’un monde « entre deux », très cosmopolite et assez peu scrupuleux sur le chapitre de la morale, à se faufiler avec sa fille dans la meilleure société, à la faveur de la tolérance mondaine en usage à notre époque.

C’était ainsi qu’Ogier de Chancenay les avait connues. Quelques mois auparavant, à une vente de charité organisée par sa tante, la vicomtesse de Challanges, il avait acheté des fleurs à la jolie