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L’ONDINE DE CAPDEUILLES


l’épouser. Mais je ne le dois pas. Il lui faut un autre mari qu’un homme comme moi, désillusionné de tout, indigne de son âme si blanche. Et puis, je ne veux pas de l’amour. Je me suis juré de ne le laisser jamais devenir maître de mon cœur. Et quel maître ce serait, l’amour pour une femme telle que le deviendra bientôt Roselyne ! Oui, il faut que j’oublie cette chose folle… Je m’absenterai, dès que je le pourrai. Puis je l’enverrai` un peu chez son curé. Il n’avait pas tort dans ses craintes, l’excellent homme. Les petites filles, à cet âge-là, cela change… cela change beaucoup trop vite. Pourvu qu’elle n’ait pas l’idée, elle aussi… »

La clarté du couchant quittait la pièce, lentement. Elle s’attardait aux vitres des trois immenses fenêtres, dont l’une, entr’ouverte, laissait passer un parfum de roses, venu du jardin. Odon, toujours immobile, songeait. Et tout à coup, il tressaillit un peu. Voilà qu’il se souvenait… Non, il n’avait pas été halluciné, tout à l’heure, dans le jardin d’hiver. Cette expression ardente et profonde, il l’avait vue une première fois dans ces mêmes yeux couleur de l’onde frémissante, au bord de l’étang de Capdeuilles, quand la petite ondine s’était réveillée et avait dit : « Ah ! vous voilà ! » Ce regard souriant et