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L’ONDINE DE CAPDEUILLES


jeune, presque inconnu encore, paraît-il. Je ne me souviens plus du nom. C’est une symphonie intitulée Le plaisir des dieux. Il y a des choses très belles. Mais toute l’œuvre reste dans une note sauvage et triste un peu pénible. Cela se comprend, car le plaisir des dieux, c’est la vengeance, n’est-ce pas ?

— En effet. Mais la vengeance peut donner de réelles jouissances.

Elle eut un mouvement de surprise un peu scandalisée.

— Oh ! qu’est-ce que vous dites ? On ne peut être heureux avec un sentiment comme celui-là dans le cœur.

— C’est selon dans quel sens vous prenez le terme « heureux ».

— A-t-il donc plusieurs sens, Odon ?

Il ne répondit pas. Son coude venait de s’appuyer sur le clavier, dont les touches gémirent. Sa main s’enfonçait dans les épais cheveux blonds, élégamment coupés. Avec quelle violence secrète il avait souhaité que la vie se chargeât d’une vengeance qu’il ne pouvait accomplir lui-même, et qu’il souhaitait atroce ! La vie avait répondu à son désir. Griselda, remariée à un musicien italien dont elle s’était éprise, connaissait à son tour les pires souffrances. Maltraitée, ruinée, puis